Deux ans…c’est court et c’est long deux ans, surtout quand on a 17 ans. Deux ans à se préparer sous la houlette de Wilfrid Boulineau avec, dans le coin de la tête, l’objectif de participer aux Championnats du Monde et si possible d’y briller. Deux ans ponctués de coups d’éclats mais aussi de coups de blues comme cet hiver, où malade et rongé par la pression d’un statut d’ultra-favori, il n’avait pu s’exprimer lors des Championnats de France Cadets à Rennes. Il est probable que l’expérience aura fait murir ce garçon attachant qui ne pratique l’athlétisme que depuis 5 ans !

Il en aura notamment probablement retiré que l’histoire d’une compétition de haut-niveau ne s’écrit pas avant dans les bilans, mais qu’elle s’écrit bel et bien sur le terrain, épreuve après épreuve, en ce qui concerne le décathlon.

Alors quand Steven Fauvel-Clinch prit le départ du 100 m, épreuve inaugurale du décathlon, il était évidemment tendu mais sut parfaitement se libérer pour signer un énorme chrono de 10"82 reléguant très loin ses adversaires. Sur sa lancée et sur son nuage, il explosait son record en longueur avec un bond à 7m38 synonyme de record régional de la spécialité avant de signer un très bon jet à 14m09 m au poids…et de voir un Letton expulser l’engin à 18m09 (!!) et devenir son plus sérieux adversaire au général.

C’est la saison des pluies au Kenya et des trombes d’eau allaient s’abattre sur les athlètes pile au moment du saut en hauteur, occasionnant une relative contre-performance de Steven dans cette épreuve avec 1m87 pendant que son adversaire principal franchissait 1m99. De quoi être remonté comme une pendule avant un 400 m qui allait tourner à la démonstration avec, toujours sous la pluie et avec un retard pourtant conséquent sur l’horaire prévu, un superbe temps de 49"09 qui laissait la concurrence loin derrière et l’installait en tête de la compétition à mi-parcours.

Finalement rentré à plus de 23h à l’hôtel, pas couché avant minuit, le Vernonnais passait une courte nuit, devant se lever à 6h00 pour attaquer du bon pied la journée, qui débutait à 9h30 par une des épreuves de prédilection de Steven avec le 110m haies, qu’il remportait en 13"94 confortant une première position qu’il allait en revanche perdre après le disque, épreuve avant laquelle il avouait « une appréhension car je ne trouve pas le bon geste techniquement en ne lançant qu'avec le bras » qui allait s’avérer légitime puisqu’il ne réussissait pas mieux que 34m14 pendant que le Letton, décidément à l’aise en lancers, signait plus de 48m

Conscient qu’il restait encore un lancer avec le javelot et qu’il est toujours bon d’aborder le 1500m en tête et d’avoir plutôt à gérer qu’à aller chercher un adversaire, l'eurois avait une idée très claire de ce qu’il avait à faire à la perche : «  Avant le concours, on a commencé à regarder les points pour la première fois. On savait que ça allait être décisif, il fallait que je lui mette le maximum de points d’écart possible ».

Alors il s’y employa avec un début de concours très propre qui l’amenait à égaler son record à 4m30 en passant tout au premier essai puis il s’arracha pour proposer de jolis sauts à 4m40 puis 4m50, passés au troisième essai. Un véritable tournant, car dans le même temps, le letton en restait à 3m70, mais ne rendait pas les armes puisqu’en lançant son javelot à 55m76 contre 48m08 au français, il reprenait quelques points, pas assez toutefois pour basculer en tête avant un 1500 m ou Steven se savait de toutes façons plus à l’aise. "Je savais que j'étais quasi sûr de gagner si j'allais au bout de la course. J'avais vu qu'il avait un record en 4'59 alors que j'ai déjà couru en 4'31" Pour le fun, Steven mit un point d'honneur à remporter cette ultime course dans un temps devenu anecdotique de 4’48 dans cette épreuve où les 1800m d’altitude de la capitale du Kenya auront fait souffrir les solides gabarits des spécialistes d’épreuves combinées.

Au final avec 7559 points, il devient Champion du Monde, égale la meilleure performance mondiale de l’année et devient le deuxième meilleur performer français de tous les temps, devant un certain Kevin Mayer !